M comme Monique

Ding Dong !

Si vous sonnez chez-elle un lundi à l’improviste, 12h50… C’est une Dame pimpante, une pointe de rouge à lèvre, qui vous ouvre la porte.  

Ouiiii !!!

Clame-t’elle avant même d’apparaître, réajustant son tablier.

Une visite express, histoire de prendre rendez-vous, plus rapide qu’un sms lorsque l’on habite à deux pas…

“ Ok pour la semaine prochaine ? Juste après la sieste ?! Parfait “

Elle me fait penser à ma maman un dimanche de “ Bénichon ” Monique, avec son tablier blanc à la mode rétro, années 50.

Rien de bien étonnant, puisque toutes les deux sont passées par la case “ Ecole ménagère agricole de Marly ”. Une marque de fabrique brodée à vie au trousseau de ces demoiselles issues du monde rural ; des jeunes femmes de la campagne à qui l’on enseignait le be à ba de la parfaite ménagère…

L’art de la bonne cuisine, la conservation des légumes, l’élevage de la volaille, poules, canards, les leçons de jardinage, les cours de puériculture, les travaux manuels, repassage, ravaudage, tricotage, papotage (!) et j’en passe.  

Autant de souvenirs et petites anecdotes qui, en un clin d’oeil, remontent à la surface…

Elle se revoit alors les mains dans la terre, à poser des trappes dans le grand jardin du pensionnat, sous le regard amusé des autres jeunes filles.

C’est que les taupes, elle s’y connait Monique ! Pour avoir si souvent accompagné son père dans les champs, elle est même prête à en faire la démonstration… Ce qui lui vaudra quelques bons points auprès de Soeur Berthe la Mère supérieure, et Soeur Sabine la responsable du jardinage qui se plaint des ravages causés dans le potager.

A la chasse aux taupes et aux campagnoles !

L’Ecole ménagère de Marly, un Etablissement qui déménagera à Grangeneuve en 1967.

Six mois plus tard, en avril 1958, elle passe ses examens avec brio, terminant première d’une volée de trente-six, avant de s’en retourner chez elle à Villarimboud. 

Congratulations Mademoiselle Yerly !

Tout un savoir-faire qui ne l’empêchera pas pour autant d’épouser un jour… Un employé de la Nestlé - comme on dit - qui sent bon le chocolat et la balade en “Coccinelle”  ! Et non un fils de paysan comme l’auraient souhaité Marthe et Etienne, ses parents.  

Envolée la minuscule bête à bon dieu rouge à points noirs de son enfance, qu’elle déposait délicatement sur le bout du doigt en chantonnant “Coccinelle, demoiselle …“

Place à la nouvelle VW coccinelle bleu tout terrain de Christian qui l’emmènera en Gruyère, au pied de la Dent, à Broc, si ce n’est pas charmant !

“Moi j’ai un piège à fille, un piège tabou, un joujou extra qui fait crac-boum-huu… Crac-boum-Huu “ !

De son plus jeune âge à Villarimboud, petit village du district de la Glâne, Monique nous ressort une de ses histoires de derrière les fagots, ou plutôt de derrière le tas de bois.

Oui, parce que c’est justement-là que se trouve la fenêtre de la petite chambre à coucher de son enfance. Une pièce exiguë jouxtant celle de ses parents, plus spacieuse, qu’il fallait traverser pour rejoindre la cuisine ou pour aller jusqu’aux cabinets à l’extérieur. Des toilettes de fortune où on s’les gelait en hiver ; pas moyen de traînasser pour éviter de devoir essuyer la vaisselle !

Monique n’a pas encore cinq ans, mais elle se souvient très bien “des p’tites bonnes” qui s’occupaient d’elle. Ginette, Madeleine, Alodie, ses cousines, qui venaient seconder sa mère à la ferme du  “Rafour”. C’est que la famille paternelle était si nombreuse, il y avait toujours des petites mains à se relayer autour d’elle ; de son frère André, sa sœur Denise avec qui elle partage même chambre et même lit, sous l’œil attendri d’un ange, suspendu juste-là contre la paroi, avec pour mission de veiller sur elles…

Un décor pour le moins désuet qui s’apprête à se réveiller comme si de rien n’ était ce samedi 13 mars 1948.  Ce matin-là, Ginette était venue à “potron-minet” - jolie expression - tambouriner contre les carreaux givrés de leur fenêtre. 

“ Vite vite !  On s’habille les filles, je vous emmène chez Nana et Marcel, les voisins “.

Monique s’étire, baille “ j’veux maman ! ” balbutie t’elle en frottant son p’tit nez avec ses tresses à moitié défaites. Elle insiste mais rien n’y fait, pas question de franchir la porte de la chambre à coucher des parents. Avec l’aide de Ginette, on enfile ses chaussettes, ses souliers, puis on passe par la fenêtre, par-dessus le tas de bois, et on y va !

On leur annonce alors qu’un bébé est sur le point d’arriver… Olala l’excitation ! Et toutes ces questions… Parce que leur maman s’était bien gardée de leur en parler ; à question embarrassante, réponse inexistante… Une époque où l’on ne parlait tout simplement pas de ces choses-là.

“ Dis maman, comment qu’on fait les bébés ? ”

Ce jour-là, elles n’en sauront pas davantage nos fillettes, mais elles attendront sagement que l’on vienne les rechercher pour leur présenter ce petit frère tout fripé, tout chiffonné.

Monique est un peu décontenancée, elle imaginait un joli poupon tout rond, tout mignon, mais voilà que…

Les mots lui échappent “ Quel vilain bébé ! “

Oups-là ! Trop tard… C’était dit, et pour des décennies !  

Vraiment désolée Robert, mais depuis le temps il y a prescription…

Une histoire de vilain petit canard qui va s’arranger :)

Merci Monique

pour ce délicieux instant.




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