Y comme Yvonne

Une nouvelle histoire qui va de paire avec la précédente postée sous X…

Parce qu’elle a ainsi dire traversé le siècle de bout en bout, Yvonne

du temps d’avant,

qui n’a cessé de se métamorphoser

à vitesse grand V

au jour d’aujourd’hui, où elle me parle

de sa vie

Une heure, deux heures, un après-midi entier

Elle en a tellement à raconter…

Le temps a filé !

“ Est-ce que je peux vous offrir au moins un verre d’eau ?”

me dit-elle au moment de m’en aller.

On n’y avait même pas songé !

Elle m’ emmène encore découvrir la superbe vue qu’elle a de sa loggia…

En un regard, on y voit d’un côté le Moléson

et juste en face, la Dent-de-Broc et ses Grosses-Ciernes.

Un endroit empli de sérénité, où elle aime venir se reposer, se connecter.

Parfois de là-haut, il lui semble entendre, leurs voix…

Autant de confidences qui se bousculent encore dans ma tête

le lendemain, le surlendemain et les jours suivants…

C’est ainsi que, comme par magie, elle se retrouve avec moi au Sommet du Gornergratt, quelques jours plus tard !

Je n’y étais encore jamais montée jusque là-haut, en face du Cervin, avec mes raquettes, mes bâtons, mon sac à dos et, mon mari :) Un paysage époustouflant qui vous pique les yeux tant c’est beau ! Mythique, immuable et fascinant depuis la nuit des temps. D’un côté le massif du Mont-Rose, aligné aux frères jumeaux, Castor et Pollux, si proches des étoiles et des Dieux… En référence à la mythologie grecque et la constellation des gémeaux.

Je fouille alors dans mon sac après un crayon, un bout d’papier, pour y griffonner quelques mots, avant qu’ils ne s’ échappent, qu’je n’puisse les rattraper !

Yvonne… Avec son mari et ses enfants, elle adorait aussi la montagne.

Y passer quelques jours, durant l’été.

Jamais bien loin, la Vallée du Motélon…

Mais à chaque fois, sa mère était morte d’inquiétude !!! Alors, pour la rassurer et comme ils n’avaient pas d’auto, ils avaient trouvé quelqu’un pour emmener ses parents, de leur village de Crésuz, jusqu’à ce fameux chalet des Fossalets “duboutdumonde” à environ 10 km à travers des chemins pas très carrossables, ainsi dire le chalet du ski-club de Broc, dans un cadre tout aussi idyllique que celui d’où j’vous écris ce mercredi 17 mars 2021.

Yvonne, l’

unique enfant

de Jules et Marie Ruffieux, la prunelle de leurs yeux.


Après leur mariage en 1926, Marie, la maman d’Yvonne, avait cessé son activité à la chocolaterie de Broc, pour s’occuper à cent pour cent de son foyer, sa p’tite famille, en toute simplicité. Avoir un repas chaud sur la table au retour du travail, c’est tout ce que souhaitait Jules et cette vie-là lui convenait aussi à Marie.

Faut dire qu’elle n’avait pas connu grand-chose d’autre avant, si ce n’est son travail d’ouvrière et le pensionnat des bonnes sœurs où elle logeait la semaine à Broc, avant de s’en retourner chez ses parents à Charmey. Une petite maison près du parc aux biches où il n’y avait même pas l’eau courante au robinet, ni même de robinet d’ailleurs…

Incroyable ! C’est donc-là où mes deux histoires se rejoignent, celle écrite sous X retrouvée aux archives, et celle de Marie, la maman d’Yvonne, qui l’a vécue pour de vrai… Une nouvelle pièce qui s’imbrique parfaitement à mon immense puzzle ! Et Yvonne d’ajouter : “ Chaque soir avant d’aller se coucher, les jeunes filles du Home devaient se coiffer d’un béret noir, pour aller prier à l’église de Broc, accompagnées des religieuses ”.

Angélus, chapelet, Salve Regina, tout un rituel instauré afin d’élever l’âme de ces jeunes femmes, mais pas que, une véritable emprise afin de mieux les cadrer. Plus tard, Marie le racontera à sa fille, qui me le raconte à son tour, c’est dire que tout cela a marqué, les esprits.

De 1947 à 1953, Yvonne travaillera aussi à la chocolaterie, parfois elle y prendra ses repas au pensionnat, mais jamais elle n’y logera. Elle y échappera en quelque sorte - même si une poignée d’années plus tard, tout a déjà bien changé - de par son mariage avec Joseph qui habite Châtel-sur-Montsalvens. Lui aussi est employé chez Cailler - devenu entre temps Nestlé - et en fin de journée, ils remontent ensemble chez-eux à pied, par les petits sentiers.  

Passer par les gorges de la Jogne n’était pas très conseillé, faute à une histoire de “bandits” qui avaient assommé le gardien du barrage de Montsalvens - trois coups de gourdin derrière la nuque !

Un évènement qui remonte au mois de décembre 1949, et que j’ai même retrouvé dans la presse de l’époque.

“Mais dites-moi Yvonne, c’est le Far West ce que vous m’racontez-là ! On pourrait y consacrer un livre entier…”

En attendant, revenons-en à vos débuts à la Nestlé.

Les contremaitresses n’étaient pas très sympathiques dites-vous ?!

Si vous ne savez pas pleurer, et bien ici, vous apprendrez !”

Ah oui, je vois, merci pour l’accueil…

Mais sachez chers lecteurs, qu’il en faut bien plus pour la déstabiliser Madame Barras !

Il n’empêche qu’elle en a aussi conservé de vrais bons souvenirs, comme ce lundi de Carnaval où elle avait bien failli s’endormir sur sa plieuse… Heureusement, ses collègues sont là pour la tenir éveillée ! Quelques séances de rigolade, de fous rires dont elle se souvient, comme si c’était hier !

A cette époque, les femmes n’avaient pas leur place dans les bistros, les cafés - si ce n’est accompagnées de leurs hommes - mais à Carnaval, qu’est-ce qu’elle avait aimé se déguiser avec ses copines de l’usine ; plus tard aussi avec les Dames de “l’Union féminine”.

 Et puis, travailler chez Nestlé permettait aussi de bénéficier d’une couverture sociale en avant-garde de tout ce qui pouvait exister - prévoyance retraite, caisse de secours, infirmerie, allocation familiale, en plus d’un salaire bien meilleur que nulle part ailleurs - Yvonne n’avait donc pas hésité. Sur les conseils de son père, elle avait quitté son apprentissage de vendeuse, pour rejoindre la ligne des plieuses.

Ici, l’atelier de l’emballage et du conditionnement, du “Femina” au féminin !

De plus, juste avant Noël, les employés touchaient une prime, de quoi mettre un peu de beurre dans les épinards comme on dit, se faire plaisir…

Cette année-là - 1950 et des poussières - Joseph avait reçu une enveloppe de Fr 65.-.

Il lui avait dit :  “Tiens, va t’acheter ce poste radio dont tu rêves tant !”

Yvonne ne s’était pas faite prier, elle avait pris le bus jusqu’à Bulle, franchi la porte de chez “Currat” à la Grand’Rue, afin de choisir l’objet tant convoité.

On imagine l’instant magique où, pour la première fois, on entend une voix sortir de cette petite boîte appelée aussi “transistor”. Ce jour-là, c’est ce modèle-là qu’elle achètera Yvonne,

la version MODERNE.

Elle était si fière… lorsqu’elle allumait son poste, elle ouvrait grand la fenêtre et tournait le bouton à fond, pour que le monde entier - les voisines surtout - sachent qu’ils en avaient un maintenant !!!

Sauf que, à l’inverse et sans en avoir l’air,

c’était le monde entier qui faisait sa grande entrée dans les foyers

avec son lot de modernité,

pour nous simplifier,

ou pas…



Merci Yvonne pour ce si joli après-midi en votre compagnie.



Et il ne s’agit là, que d’un extrait :)

 





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